Du 16 au 26 août 2021, les opposants au projet d’enfouissement des déchets nucléaires « Cigéo », à savoir le Centre industriel de stockage géologique, montent le camp ! « Malfaiteuses » et « malfaiteurs » se sont réunis par centaines sur le site de l’ancienne gare de Luméville, à proximité de Bure et du laboratoire de l’Andra. L'objectif : faire barrière au projet étatique dans le périmètre de la Meuse et de la Haute-Marne. Et le temps presse…
Ils ne sont pas « DUP-es » !
Pour rappel, la Déclaration d’utilité publique (DUP) est une procédure administrative qui permet à l’Etat de réquisitionner une parcelle ou un terrain privé afin d'y créer des infrastructures d'intérêt général.
C’est en réponse à la DUP déposée par l’Andra - l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs - le 3 août 2020, que les opposants ont souhaité « occuper le terrain ». Si le gouvernement donne son feu « vert », les promoteurs auront le « champ libre » pour lancer des « travaux préparatoires ». A terme, ce serait donc 85 000m2 de déchets nucléaires radioactifs stockés dans 270 kilomètres de galeries souterraines dans la Meuse et en Haute-Marne.
Plus directement, cela induirait des expropriations de terres - et de fait, de résidents -, le défrichement du Bois Lejuc - à plusieurs reprises occupé par les opposants - ainsi que la rénovation et la construction de dizaines de kilomètres de voies ferrées pour acheminer les déchets nucléaires jusqu’aux galeries d’enfouissement.
Localement, plusieurs conseils municipaux se sont positionnés comme défavorables au projet Cigéo, à l’instar des communes de Bure (registre des délibérations, séance du 10 mars 2021) et de Mandres-en-Barrois (procès-verbal des délibérations du 17 février 2021), directement impactées. Ils s'appuient notamment sur l'avis rendu par l’Autorité environnementale du CGEDD – le Conseil général de l’environnement et du développement durable -, rendu le 13 janvier 2021.
Les élus craignent notamment pour la gestion de l’eau potable, pour l’aménagement du territoire sans le consentement des populations, des nuisances sonores et visuelles, de l’impact sur le trafic routier, des risques sanitaires sur les populations locales, des cultures des agriculteurs... Ils s’inquiètent également des conséquences du défrichement du Bois Lejuc, poumon vert de la commune et de ses habitants.
Le conseil municipal de Bure insiste, il « est persuadé que le village mourra écrasé par le rouleau compresseur qu’est l’Andra ».
Appel aux « rassemblements festifs et déterminés »
Rayonnantes 2021 : demandez le programme !
Ce samedi 21 août, les participants des Rayonnantes appellent à une action publique. Le rendez-vous est fixé dès 10h à Horville-en-Ornois, au départ de Bure et du site des Rayonnantes.
D’autres « rassemblements festifs et déterminés » auront lieu jusqu’au lundi 23 août inclus :
« Chacun d’eux [différents cortèges] aura décidé d’une approche et d’intentions spécifiques. Tout cela sera présenté pendant le camp pour que chaque personne puisse choisir selon ses envies, ses affinités, ses possibilités. D’autres groupes s’organiseront indépendamment ou pourront se réunir spontanément. ».
Dans leurs textes d’intention, les opposants précisent :
" Nous voulons faire en sorte que ces actions et leur préparation soient des moments et des lieux à part entière de lutte contre les systèmes d’oppressions : patriarcat, racisme et colonialisme, cis-hétéronormativité, validisme , classisme…"
Un joyeux camp pour « célébrer la vie contre le nucléaire mortifère ! »
Mardi 17 août dernier, Puissance Télévision avait rendez-vous avec ses consœurs et confrères, pour une visite « privée » du camp. Installé sur le site de l’ancienne gare ferroviaire de Luméville, entre Mandres-en-Barrois et Luméville-en-Ornois, ce lieu se veut symbolique et stratégique. D’abord, parce qu’il est situé à seulement 6 kms de Bure, où le laboratoire de l’Andra a monté (et surtout creusé) ses infrastructures. Ensuite, parce qu’il a été racheté par des opposants, menacés d’expropriation si le gouvernement donne son aval pour la DUP.
Pourtant, il faut reconnaître que l’ancienne gare, transformée en « Brico Station » et revêtue de couleurs, a du charme ! Parmi nos guides, Charlotte, mène la déambulation à travers champs. Dans « l’allée des tentes », nous découvrons un panel d’espaces aménagés : un atelier vélo, un espace cuisine, un potager, un espace méditation, une tente de restauration, une « Tente Médic », une boulangerie artisanale éphémère, une caravane radio avec un émetteur, des chapiteaux accueillant des spectacles, des ateliers et des concerts, un « bar des sorcières » (bar à soft), un espace « Artivisme », une crèche auto-gérée, un "Info Kiosk" (auto-médias), un espace écoute… Et bien sûr, différents espaces de camping.
Sur 4 hectares, tout un lieu de vie a été constitué afin d’accueillir les 700 personnes attendues pour le week-end. En provenance de France mais également d’Allemagne et de Suisse, les participants vivent de manière « auto-gérée ». Chacun peut s’inscrire pour remplir les tâches et missions du quotidien. Ecologique et responsable, le camp est autonome en ce qui concerne les commodités et l’énergie. Il est notamment alimenté par des panneaux solaires.

Fédérer pour des luttes anti-autoritaires et systémiques
« Nous ne dénonçons pas seulement une mauvaise « solution » pour stocker les déchets nucléaires, mais toute l’industrie nucléaire, son extractivisme colonial, sa place dans l’économie capitaliste, son poids dans une société militaire. »
Peut-on lire sur le site des Rayonnantes. A ce titre, divers ateliers, formats et approches se déroulent tout au long des dix jours de camp :
« Nous parlerons d’écologie décoloniale, d'énergies, de validisme, de luttes queer et féministes ! Il est également prévu une série d'ateliers, de chantiers et de moments particuliers sur l'accaparement des terres par le nucléaire et les luttes paysannes. Des espaces de créativité ont été pensé pour construire et fabriquer des choses. »
« Une oppression permanente »
Le projet des Rayonnantes, c’est l’alliance de nombreuses associations engagées comme Bure Zone Libre, EODRA, Sortir du Nucléaire, Bure Stop, Lorraine Nature Environnement – entre autres – et de collectifs autonomes… Mais nous n’en saurons pas plus. L’organisation préfère rester discrète.
Aucun appareil photo ni caméra n'étaient autorisés sur le camp, de manière à ce qu’aucun opposant ne soit reconnaissable dans la presse. Ils nous confiaient la pression et l’oppression exercées par les forces de l’ordre. D’ailleurs, ce ne sont pas moins de deux hélicoptères et plusieurs voitures de surveillance que nous avons vus défiler sur les routes ou dans les airs, en l’espace d’une heure...
LA lutte « antinuk » en quelques dates
1998 : La Haute-Marne et la Meuse sont retenues pour la construction d’un « laboratoire souterrain de recherches géologiques » gérée par l’Andra
2000 : Début des travaux de construction du laboratoire
2004 :
- Création de la « Maison de la résistance à la poubelle nucléaire » à Bure, par les associations Bure Zone Libre et Sortir du Nucléaire.
- L’ancienne gare de Luméville est achetée par des opposants à Cigéo. Le terrain devient un lieu de vie collective.
2006 : L’Etat français valide le stockage souterrain à Bure et charge l’Andra de la réalisation du projet Cigéo d’ici 2025
2016 :
- Un « pique-nique interminable » est organisé par les opposants à Cigéo face au défrichement illégal du Bois Lejuc par l’Andra. L'agence nationale érige un mur d’enceinte en béton, sans permis de construire. Elle sera condamnée pour travaux illégaux.
- L’Andra s’est appropriée plus de 300 hectares dans la Meuse et en Haute-Marne. Ces espaces agricoles privent les populations de leur valeur nourricière.
2017 : Instauration d’un escadron de gendarmes mobiles postés en permanence à l’intérieur du laboratoire.
2019 : Le groupe POMA, en charge de la construction des infrastructures permettant de transporter les colis des déchets radioactifs de la surface jusqu’à la zone déstockage souterraine de l’Andra, s’installe à Froncles, à 42 km de Bure.
2021 : Le « Procès de Bure » se tient à Bar-le-Duc
2021 : Le camp des Rayonnantes réaffirme sa volonté de faire barrage au projet Cigéo.