Pour construire un ralentisseur, les collectivités chargés de la voirie doivent respecter le décret 94-447 du 27 mai 1994, toujours en vigueur le jour où est publié cet article. Concrètement, ce décret décrit « les modalités techniques d’implantation et de signalisation des ralentisseurs de type dos d’âne ou de type trapézoïdal ». Il fixe les normes précises de hauteur, de longueur, d’emplacement et de signalisation.
Dans ce décret, il est expliqué que « l’implantation des ralentisseurs est interdite (…) sur les voies de desserte de transport public ou encore sur ou dans un ouvrage d’art ». Or, comme le rapporte l’association, ce ralentisseur d’environ 70 mètres est installé sur un pont et cette route est empruntée par des transports en communs. Alors comment est-ce possible que ce ralentisseur à priori illégal ait été construit ?
Pourquoi ce ralentisseur a vu le jour ?
Pour mieux comprendre le sujet, nous nous sommes rapprochés de Thierry Modolo-Dominati, fondateur et porte-parole de l’association Pour une mobilité Sereine et Durable (PUMSD) qui a dénoncé ce ralentisseur. Il nous explique que « pour implanter un ralentisseur, les élus et les mairies jouent avec le guide du CEREMA ». Ce guide, publié 16 ans après le décret par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA ex CERTU), décrit les modalités d’installation des ralentisseurs aux élus et municipalités.
D’après l’association, ce guide n’aurait que pour seul but est de proposer aux élus locaux et territoriaux de ne pas respecter la loi et la norme en vigueur : « le guide s’affranchit totalement du décret de 1994, c’est hallucinant ». Par mail, la mairie de Bar-le-Duc nous a confirmé s’être appuyé sur ce guide : « L’État, via le CERTU a édité une fiche technique complète permettant de fournir les éléments de mise en œuvre aux collectivités ». Seulement ce guide, l’association le dénonce depuis plusieurs années et comme indiqué en page 4 il n’a « pas de valeur réglementaire », alors qui dit vrai ?
Que dit la justice ?
Les chiffres varient selon les associations, mais le constat est alarmant, environ 90 % des ralentisseurs seraient non conformes, soit plus de 400 000 ralentisseurs sur le territoire national.
Dans leur longue bataille juridique entamée avec l’administration française, accompagné par La ligue de défense des conducteurs, l’association a été déboutée par le Conseil d’État dans sa décision n°495-623 rendue le 27 mars 2025. « Le Conseil d’État a donc refusé la démolition des ralentisseurs illégaux en stipulant que la destruction d’un ouvrage public, même mal construit, n’est pas envisagée » selon la ligue de défense des conducteurs.
Mais, le Conseil d’État a confirmé que les ralentisseurs non conformes au décret n°94-447 de 1994 sont illégaux, rejetant l’usage du guide technique non réglementaire du CEREMA comme justification. Il a validé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille, qui reconnaît que ces dispositifs nuisent à la sécurité routière et à l’environnement. Cette décision engage désormais la responsabilité civile et pénale des élus et fonctionnaires en cas d’accident lié à de tels aménagements. Elle a déjà été utilisée comme fondement dans plusieurs jugements récents, notamment à Toulon et Grenoble.
La réponse de la mairie
De son côté, la mairie de Bar-le-Duc se défend en se basant sur le décret 94-447 qui concerne « les caractéristiques et les conditions de réalisation des ralentisseurs type dos d’âne ou de type trapézoïdal ». En expliquant que « cette réglementation ne s’applique pas aux plateaux surélevés, donc la référence citée dans le post n’est pas adaptée, considéré comme ralentisseur, a une longueur de 10 à 30 mètres, l’aménagement réalisé a une longueur d’environ 70 mètres, ce qui le fait sortir du champ de cette définition ».
Il n’y a aucun sujet réglementaire, et de surcroit, l’aménagement réalisé permet à la fois de parfaire la sécurité des carrefours de part et d’autre du pont et d’assurer la mise en accessibilité des parcours piétons sur la zone réaménagée ».
Pour quelles raisons ?
Souvent invoqué par les élus pour installer ce type d’aménagement de voirie, en réalité « aucune étude ne prouve l’utilité de ces ralentisseurs » et comme l’a montré l’actualité récente, ces ralentisseurs peuvent même avoir des conséquences mortelles pour les usagers. Pour Thierry Modolo-Dominati « la solution est une route plate, large et en bon état pour permettre une meilleure visibilité aux automobilistes. Si aujourd’hui, nous avons autant de choc frontal, c’est tout simplement parce que les rues sont trop étroites et à chaque mouvement, c’est un accident ».
Et si la mairie barisienne était condamnée, un ralentisseur de ce type coûte « au moins 100 000 euros et sa destruction coûterait le même prix » selon le porte-parole.