C’est un triste record pour la Champagne humide. Selon la Ligue pour la protection des oiseaux Champagne-Ardenne (LPO-CA), entre 9 000 et 10 000 grues cendrées ont déjà succombé à la grippe aviaire depuis le début de leur migration automnale. Ces majestueuses voyageuses, fidèles chaque année au couloir migratoire traversant les départements de la Marne, de l’Aube et de la Haute-Marne, paient cette fois un lourd tribut à l’influenza aviaire.
Une migration bouleversée
Depuis octobre 2025, des centaines de milliers de grues cendrées ont entamé leur périple vers le sud pour rejoindre leurs zones d’hivernage plus chaudes. Mais cette année, le spectacle habituellement poétique des vols en V s’accompagne d’un constat dramatique.
Selon la LPO, 150 000 à 200 000 grues ont déjà traversé la Champagne humide, soit à peu près la moitié du passage migratoire habituel. La grippe aviaire a cette année, frappé fort, notamment sur les zones de stationnement du Der et des grands étangs environnants.
Les relevés effectués fin octobre confirment l’ampleur du phénomène : 4 500 cadavres ont été recensés rien que sur le lac du Der, auxquels s’ajoutent 1 200 grues à l’étang de la Horre, 1 000 à 2 000 dans le parc naturel régional de la Forêt d’Orient, et 350 à la réserve naturelle régionale des étangs de Belval-en-Argonne.
Au total, la LPO estime que 9 000 à 10 000 grues ont déjà été touchées — un chiffre qui ne prend même pas en compte les oiseaux morts dans les zones de plaine, de forêt ou d’alimentation.
Une inquiétude grandissante
Cette surmortalité inédite inquiète les autorités. Lors d’une conférence de presse qui s’est tenu ce mardi 4 novembre en préfecture de Haute-Marne, Vincent Montibert, chef de l’Office français de la biodiversité (OFB), rappelle que « seulement un tiers de la migration s’est déroulé » et que les flux d’oiseaux en provenance d’Allemagne ou des Pays-Bas vont encore s’intensifier.
De son côté, Régine Pam, la préfète alerte sur la nécessité « d’anticiper l’épizootie » : « La mortalité n’a jamais été aussi élevée. Le caractère grégaire de l’espèce favorise la propagation rapide du virus. »
Les préfectures de la Marne et de la Haute-Marne ont donc renforcé les mesures préventives et restrictives, notamment autour des sites de rassemblement et des élevages de volailles. Des foyers ont déjà été confirmés dans plusieurs exploitations de poules et de dindes.
Un virus qui persiste
Si l’origine de l’épidémie n’est pas nouvelle, sa virulence cette année interpelle. Le virus de la grippe aviaire peut survivre jusqu’à huit semaines dans des conditions humides et fraîches — un environnement que la Champagne humide offre en abondance à cette période.
« L’humidité est son alliée, le soleil son ennemi », rappelle la préfète, qui dit vouloir « s’inscrire dans un temps long » pour éviter une résurgence du virus dans les mois à venir. À quelques jours de l’ouverture du Festival international de la photo animalière et de nature de Montier-en-Der, événement phare célébrant la beauté de la faune sauvage, le contraste est saisissant.