Une crise politique qui pèse sur l’économie. Ce lundi 6 octobre, seulement 27 jours après sa prise de fonction, le Premier ministre Sébastien Lecornu a remis sa démission auprès d’Emmanuel Macron, qui l’a acceptée. Une annonce qui fait de lui le Premier ministre le plus éphémère de la Vᵉ République. Une nouvelle, qui replonge le pays dans l’instabilité. Une crise politique qui impacte particulièrement les territoires locaux.
Des décisions qui divisent
La veille, les premiers noms du gouvernement Lecornu avaient été dévoilés. Parmi eux, se trouvaient plusieurs ministres qui figuraient déjà dans l’ancienne liste présidentielle. Un choix qui n’a pas fait l’unanimité auprès des différents partis politiques.
Dans un communiqué datant du 9 octobre 2025, Franck Leroy, président de la Région Grand Est, réagit à ces derniers évènements de la vie politique française : « Le spectacle politique qui nous est offert depuis quelques jours est consternant. Alors que notre pays traverse de grandes difficultés, alors que l’Europe subit des assauts répétés, les partis politiques nationaux privilégient leur stratégie de conquête du pouvoir, ignorant par là-même les exigences du moment et les attentes du pays ».
Il est grand temps que les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale se montrent à la hauteur de leurs responsabilités. Dans toutes les collectivités de France, on sait trouver des compromis. On sait s’appliquer des mesures d’économies et les expliquer. On sait privilégier l’intérêt général », s’est exprimé Franck Leroy, président de la région Grand Est.
Une instabilité politique qui impacte l’économie
La préparation du budget 2026, qui avait commencé début octobre pour une durée de trois mois, a été stoppé net suite à la démission du Premier ministre. Cette préparation devait normalement conduire à l’adoption d’ici au 31 décembre des budgets de l’État et de la Sécurité sociale, par le Parlement.
L’an dernier, l’adoption du budget 2025 avait également connu des perturbations suite à la censure du gouvernement de Michel Barnier en décembre 2024. Un fait inédit qui ne s’était pas produit depuis 1962 et qui avait interrompu l’adoption du budget. Le Parlement avait alors été dans l’obligation de voter une loi spéciale afin d’assurer le fonctionnement de l’État.
Cette dernière a gelé les dépenses en les limitant au stricte nécessaire. Si cette loi est de nouveau utilisée pour le budget 2026, elle ne permet pas d’indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu. Ainsi, plusieurs milliers de nouveaux ménages risquent d’être assujettis à l’impôt sur le revenu. D’autres, risquent d’en payer davantage.
Dans le cadre de ses consultations, le Premier ministre Sébastien Lecornu s’est exprimé depuis la cour de l’hôtel de Matignon ce mercredi 8 octobre, affirmant une volonté d’obtenir un budget pour la France avant le 31 décembre : « Cette volonté crée un mouvement et une convergence, évidemment, qui éloigne les perspectives de dissolution. Enfin, ça ne suffit pas, il faut évidemment que ce budget comporte un certain nombre de paramètres qui permettent à la France d’avancer », explique-t-il, « La cible de déficit public doit être tenue en dessous de 5 % du déficit, c’est-à-dire en clair, entre 4,7 et 5 % de manière définitive ».
En 2025, avec l’absence du projet de loi de finances et d’une diminution de -135 millions d’euros des ressources de fonctionnement imposée par l’État pour la Région Grand Est, cette dernière avait choisi de réduire ses dépenses de fonctionnement « tout en maintenant un niveau d’investissement parmi les plus élevés », avec un budget global de 4,1 milliards d’euros, dont 1,6 milliard consacré aux investissements.
Quel impact pour les communes et les collectivités territoriales ?
Le département de la Haute-Marne a fait le choix de maintenir le calendrier afin de voter son budget, ajustable en cours d’année, il pourrait être similaire à celui de 2025, c’est-à-dire 260 millions d’euros.
La Cour des comptes a publié récemment le fascicule 2 du rapport sur les collectivités locales « Les finances publiques locales 2025 ». Selon ce dernier, en 2024, la situation déficitaire des collectivités territoriales atteignait environ – 11 milliards d’euros contre – 5 milliards d’euros, un an plus tôt. Consommant donc près de la moitié de la contribution au redressement des finances publiques.
Entre 2021 et 2024, les communes ont vu le total des produits de fonctionnement (provient de la fiscalité directe locale comme la taxe d’habitation, taxe sur le foncier bâti et non bâti), ainsi que le total des charges de fonctionnement (comprend toutes les dépenses nécessaires pour faire fonctionner une entreprise au quotidien) différer.
En Haute-Marne, la commune de Poulangy, a en 2024, eu plus de 400 000 euros de produits de fonctionnement contre approximativement 240 000 euros en 2021. Les charges de fonctionnement, elles étaient de 220 000 euros en 2024 contre 219 000 en 2021.
À Briaucourt, la différence est flagrante, passant de 116 000 euros de produits de fonctionnement et 108 000 euros de charges de fonctionnement en 2024 à 83 000 euros et 74 000 euros en 2021.
Dans le département marnais, la commune de Bignicourt-sur-Marne a connu une baisse de 42 000 euros entre 2021 et 2024 sur les produits de fonctionnement et une augmentation d’environ 15 000 euros de charges de fonctionnement.
Loisy-sur-Marne a connu une différence importante, avec une augmentation de 110 000 euros de 2021 à 2024 de produits de fonctionnement et de 100 000 euros à 300 000 euros de charges de fonctionnement sur ces mêmes années.
En Meuse, les petites communes de moins de 250 habitants n’ont pas été épargnées. C’est le cas par exemple de Forges-sur-Meuse qui est passé en 2021 de près de 130 000 euros de produits de fonctionnement et de 90 000 euros de charges de fonctionnement, contre près de 170 000 et 78 000 en 2024. Richecourt a également connu une différence importante sur les produits de fonctionnement, passant de près de 50 000 euros en 2021 à 67 000 euros en 2024.
Les présidents des départements de la région réunis
Le contexte politique amenant à des questionnements, ce mardi 7 octobre, les présidents et représentants des départements du Grand Est se sont réunis au pied du Mémorial du général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises. Une rencontre de travail « placée sous le signe de l’unité et de la responsabilité territoriale » durant laquelle les enjeux communs ont été abordés.
Parmi eux se trouvaient donc Nicolas Lacroix, président du Département de la Haute-Marne, Jean-Marc Roze, président du Département de la Marne, ainsi que Jérôme Dumont, président du Département de la Meuse.
De ces discussions, trois points sont affirmés par les présidents et représentants de ces derniers :
- La nécessité d’être entendus par l’État, dans un moment où les territoires se trouvent sans interlocuteur fiable, sans visibilité et sans écoute
- La défense des rôles essentiels de solidarités humaines et territoriales, et à la détermination à maintenir des politiques volontaristes pour l’attractivité, la culture, la jeunesse, le sport ou encore le tourisme
- Une volonté de poursuivre une action publique de proximité au service des habitants du Grand Est, sur la base d’une réelle autonomie de financement garantissant la mise en œuvre des compétences.
Les présidents des départements demandent « un véritable acte 3 de la décentralisation prenant en compte le rôle majeur et essentiel de proximité que seuls les Départements peuvent jouer pour apporter des réponses concrètes ».