Dans son premier ouvrage Les oubliés de Sézanne, le journaliste Bernard Derty révèle une histoire historique bouleversante et méconnue : celle d’un mariage entre une marquise française et un homme noir venu de Saint-Domingue, à la fin du XVIIIe siècle. Un événement totalement impensable à l’époque, et pourtant réel. « C’est dans cette petite ville champenoise qu’il repose à présent ignoré de tous. », explique Bernard Derty
Le couple en question ? Marie-Françoise de Boirnet, marquise et belle-sœur de Joséphine de Beauharnais, future impératrice des Français, et Charles Guillaume Casting, mulâtre originaire de Saint-Domingue.
Une mémoire effacée par l’Empire
Marie-Françoise, incarcérée à la prison Sainte-Pélagie à Paris durant la Révolution, retrouve son domicile envahi par des réfugiés à sa libération. Parmi eux : un député, accompagné de sa famille. C’est ainsi qu’elle rencontre Charles Guillaume Castaing. « Ils sont tombés amoureux l’un de l’autre… Ce n’était ni la Princesse de Clèves ni le Duc de Nemours ». Leur union, célébrée en 1797, fait figure d’exception historique.
L’amour de ce couple va cependant être effacé par la censure napoléonienne. Napoléon, qui interdit en 1802 la présence des Noirs en région parisienne, impose une politique discriminatoire féroce. Seule exception : le général Dumas, père d’Alexandre Dumas, bientôt décédé. « Toute la période du Consulat et de l’Empire a été effacée des archives ». Même dans les archives locales de Sampigny (Meuse), où le couple dirigeait une fabrique de chariots pour la Grande Armée, leurs noms ne sont jamais mentionnés.
Une quête de vérité historique
Bernard Derty dénonce le silence volontaire de l’histoire officielle. Selon lui, la France post-révolutionnaire a instauré une discrimination raciale institutionnalisée, bien avant les États-Unis. « On a installé en France une discrimination raciale après la Révolution que Napoléon avait déclarée comme finie. »
En tant que journaliste, Bernard Derty a voulu utiliser son premier livre pour rendre visible l’invisible. Ce travail d’archives lui a pris près de deux ans et demi, entre recherches et écriture. « Ce n’est pas la même chose que le journalisme. C’est un reportage en plus long. »